La thèse de Paulette Duval est que la pensée sous-jacente qui structure le conte du Graal est la pensée hermético-alchimiste.
Le livre tente de dégager les points clefs de la pensée alchimiques, sa transmission de l’antiquité au moyen âge, depuis les premières traces dans le chamanisme jusqu’aux récits voilés par l’imagerie chrétienne, comme le culte de marie-madeleine.
Malheureusement, certains points très contestables (le chateau du Graal retrouvé ) et d’autres traités un peut trop rapidement (la Turba Gallica comme prototype du mythe du Graal [1]) ont jetté le discrédit sur le travail de Paulette Duval. Il n’en demeure pas moins que toute la première partie de son travail met en lumière la relation indiscutable qui existe entre le conte du Graal et la tradition alchimique [2].
p.307 : le choix du manuscrit
Paulette Duval dénombre 15 manuscrits du Perceval. Pour elle, le manuscrit T (ms. 12576 de la bibliothèque nationale) est le moins déformé par le copiste [3]. On y note notamment :
Perceval brise l’épée que lui donné le roi pêcheur, lors de son combat contre l’orgueilleux de la lande, conformément à la prédiction.
certains mots sont d’origine espagnole.
p.311 : l’archétype du héros
Le Héros correspond à l’archétype gnostique de l’être séparé, élevé dans la terre d’exil d’où il doit sortir afin d’aller dans sa vraie patrie.
p.313 : première vision intérieure
La vision des chevaliers, assimilés à des anges, est une vision intérieure. Cette vision annonce la mort dit la mère, mais il s’agit de la mort initiatique suivie de la résurrection.
p.315 : le nom
"Ce jeune homme n’a pas de nom(...). Le fils de la veuve dame ne sera Perceval qu’au terme de son initiation, c’est à dire quand il sera né à la vie véritable : au sortir du château du roi pêcheur. Ce fait seul indique qu’il n’a pas été déchu lors de cette aventure et qu’au contraire elle constitue une étape essentielle sur le chemin qui le mène à la Résurrection [4] ; c’est, ni plus ni moins, la naissance de l’être nouveau.
p.337 : Blanchefleur et la vierge alchimia
Lorsque blanchefleur apparaît pour la première fois, elle est vêtue d’un bliaut de pourpre sombre et d’or, doublé de blanche hermine. Mais pour aller voir son ami dans sa chambre, elle a jeté sur sa chemise (blanche ?)un manteau teint en graine. "Mais qu’est ce rouge de graine ? C’est le rouge du kermès ; ces graines, de couleur noires ou pourpre sombre, qui servent aux teinturiers à obtenir la belle teinture rouge vif. C’est dans un « creux » de chêne, un creux de kermès, car ce dernier est la cochenille du chêne, que la Turba Gallica mettait le corbeau, pour qu’il mue sa plume [5]. Le rouge de graine est donc bien différent du rouge qui teint les armes du chevalier vermeil : c’est le rouge de sang, celui du mercure igné(...) C’est le rouge de la belle teinture universelle des alchimistes. Blanchefleur est donc celle qui porte le rouge de la teinture alchimique. Elle est l’homologue de marie-madeleine tenant la coupe ignée remplie d’or
p.351 : un aspect méconnu de la pensée du XIIème siècle
La pensée du XIIème siècle est empreinte de la tradition alchimique venue de Perse et de l’Inde, puisée en Espagne auprès des Shiites musulmans et des chrétiens mozarabes, particulièrement ceux de Navarre et d’Aragon.
[1] le parallèle établit entre le prologue du conte et le début de la Turba met cependant bien en évidence le fait que chrétien utilise un code commun chez les alchimistes pour rédiger son roman
[2] A ce sujet, lire également les travaux de Jung et surtout de la sa femme : "La Légende du Graal" par Emma Jung et Marie-Louise von Franz
[3] mais J. FOURQUET montre qu’au contraire tout ce que Paulette DUVAL juge comme des marques de son originalité sont en fait des rajouts maladroits
[4] pour Paulette Duval, l’alchimie n’est pas affaire de transmutation, mais plutôt de résurrection c.f. p11
[5] belle tentative, mais certainement fausse. Le creux du chêne, ou coeur du chêne, renvoie au bois de chêne druidique, la fraternité initiatrice