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Jean Marx : La légende arthurienne et le Graal

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Jean Marx est un des derniers universitaires à avoir fourni un travail conséquent sur les récits Graaliens. Très érudit, il fait le point sur tout ce qui a été écrit avant lui. Cependant, son allégeance indéfectible à la cause celtisante l’entraîne dans de nombreuses contradictions.
 

Aux origines historiques d’Arthur

pp 50-60 : Jean Marx retrace la vison traditionnelle de l’aspect historique du personnage d’Arthur : Nennius – Monmouth – Wace … mais relève avec justesse les nombreuses incohérences dans cette filiation classique. A priori, Wace à puisé à d’autres sources. Pour Marx, il s’agit du folklore celte [1].

La Bretagne hors jeu

p. 56 : Jean Marx rejette toute possibilité d’une influence de Bretagne armoricaine : "Quand on évoque la pauvreté des débris de la littérature bretonne d’Armorique au moyen-âge, on comprend mal pourquoi il aurait fallu la présence de conteurs, de récitateurs et de chanteurs venus de la Bretagne armoricaine pour donner vie et audience aux légendes arthuriennes."
Bien sûr, on se demande pourquoi Chrétien va, dans ses premiers romans, puiser ses noms de lieux en Bretagne (Dans Erec, Arthur tiens sa cour à Nantes, dans Yvain, on retrouve la fontaine de Barenton mentionnée par Wace dans le Rou [2]…). L’hypothèse la plus probable est celle des médiévistes René Bansard et Jean Charles Payens [3] qui invoquent la très probable présence du jeune Chrétien de Troyes à la cour d’Aliénor d’Aquitaine entre 1157 et 1170 dans le Domfortais ( Orne - à la limite entre la basse Normandie et la Bretagne ) avant de passer au service de sa fille, Marie de Champagne. Durant cette époque, Chrétien lit Wace et compose ses premières œuvres : le Tristan perdu et Erec [4].

Les deux Héros

p. 60 et note p. 61 : Jean Marx exhume un prototype possible du roman de la charrette. Il est à noter que ce roman présente, comme les derniers romans de Chrétien, la figure d’un héros double, deux figures au nom presque identique : Galvagin et Galvariun ou Galvagnus et Galvariun selon les versions. L’un des deux est le neveu du roi et sauve la reine.

L’autre monde

p. 82-84 Marx nous donne les caractéristiques de l’autre monde celtique. Force est de constater que cet autre monde n’a rien à voir avec ce que l’on qualifie d’autre monde dans les romans de Chrétien de Troyes. Les légendes sur l’autre monde citées par Marx mettent en évidence un monde fantomatique, directement lié à une perception de la sphère invisible terrestre, du monde astral ou du monde des morts et non pas à un paysage intérieur, un paysage de l’âme comme dans la charrette, le conte du Graal ou les romans de Sohravardi.

L’influence Celtique

p. 92 et suivantes : Pour soutenir sa thèse, à savoir l’origine Galloise – Celtique des légendes Arthuriennes, Jean Marx exhume tout un ensemble de légendes ou de passages de légendes et les met en regard d’éléments du cycle arthurien. Malheureusement, il ne tient absolument pas compte du fait que les récits du Graal n’ont pas étés écrits à la même époque, ni par les mêmes personnes [5].
Comme l’indique bien le titre de son ouvrage, Jean Marx associe étroitement légende arthurienne et Graal. En quelque sorte, il fausse la donne dès le départ car en effet, le Graal n’est, au départ, associé que marginalement à la geste arthurienne. Dans les romans de Chrétien de Troyes, la cour d’Arthur, et le roi Arthur lui-même, sont des éléments de second plan ; tandis que les premiers récits arthuriens sont directement dans la veine épique et centrées sur le personnage du roi, à l’instar des aventures de Charlemagnes.
D’autre part, il faut garder présent à l’esprit que ces récits se sont constitués petit à petit pour être finalement rassemblés, ordonnés et réécrits en un tout à peu près cohérent dans lequel on retrouve tous les épisodes ayant connu du succès, tel le conte du Graal. Force est de constater qu’au cours de ces réécritures, le sens du texte à été fortement infléchi et utilisé à des fin de propagandes, religieuses ( cf. la thèse de michel de Roquebert : la légende du Graal comme outil de propagande anti-cathares ) ou politiques ( la légende arthurienne : un remplacement de la geste de Charlemagne mettant en avant non plus le royaume de France mais les Plantagenets).

L’enjeu politique

pp. 302-303 : Jean Marx rappelle les enjeux politiques qui sous-tendent l’établissement de la vulgate arthurienne. En complète contradiction avec lui-même, il isole chrétien de Troyes du reste des auteurs et donnes les différentes raisons, politiques et religieuses qui ont amenées les auteurs successifs à distordre le conte du Graal et les histoires afférentes : la nécessité pour une Angleterre normande, c’est à dire de langue française, de s’affranchir de la geste de Charlemagne – d’où la nécessité d’une nouvelle geste épique – et de trouver sa place parmi les nombreux cultes des saints et surtout des reliques incomparables ramenées des croisades. L’histoire du Graal, remaniée par les moines de Glastonbury, est "comme un fil conducteur qui permet de se rattacher, de façon à la fois honorable et profitable, aux plus vénérables antiquités chrétiennes et aux plus récentes découvertes de reliques."

L’enjeu religieux

p. 311 : Jean Marx essaie de retracer la genèse et le contexte de l’écriture de La Queste du Graal et rappelle à quel point ce texte est sous-tendu par la théologie de Bernard de Clairvaux. Cependant, nous ne pouvons nous accorder avec lui quand il dit que "l’Eglise a toujours eu une juste défiance vis-à-vis des histoires du Graal. Jamais elle n’a admis l’authenticité de la légende".
En effet, on assiste dès le début du XIIIème siècle à une véritable course de vitesse pour récupérer les texte "pas très catholiques" de Chrétien afin d’en faire une mine d’illustrations symboliques de la doctrine de l’Eglise dominante. La quête du Graal n’est pas seulement sous-tendue par la théologie de Bernard de Clairvaux, elle est aussi la base de tout un ésotérisme catholique quasi-inexistant jusqu’alors ( les symboles traditionnels d’animaux utilisés jusque là dans l’alchimie sont reliés à des figures évangéliques, les couleurs, l’arbre sec, la genèse et la postérité d’Adam et Ève… tout y passe ) qui culmine dans l’établissement de la célébration de la Cène comme mystère suprême de l’Eglise. Il faut garder en mémoire, quand on voit comment tout ces symboles sont récupérés, magnifiés et placés dans le giron de l’Eglise, que cette dernière est en train de lutter avec acharnement contre le Catharisme. Le dogme de la transsubstantiation par exemple, est postérieur au conte du Graal de Chrétien de Troyes et à de nombreuses continuations ( 4e concile du Latran, 1215) alors que les cathares célébraient la Cène depuis toujours.

Appendice

Dans son appendice, Jean Marx donne un résumé assez complet des textes du Graal, continuations diverses et même du Parzifal, du Peredur Gallois et un apperçu des romans anglais, le tout agrémenté de notes.

Notes :

[1] Voir à ce sujet l’article "une autre source"

[2] même si dans le Brut, Wace dira qu’après vérification, il n’a rien trouvé de magique dans cette fontaine

[3] La Légende arthurienne et la Normandie, sous la direction de Jean Charles Payens – Corlet 1983.

[4] Hypothèse corroborée par le fait que Chrétien se présente comme Chrétien de Troyes uniquement dans Erec. Or, selon la tradition, l’auteur ne cite son origine que s’il est dans une contrée étrangère, ce qui indique que l’Erec n’a pas été composé alors que Chrétien était à Troyes.

[5] Une des rare à ne pas commettre cette erreur est Jessie L. Weston dans son "From Ritual to romance" où elle isolera les différentes phase de l’élaboration des légendes Graaliennes : 1-récit de départ, 2- ajouts sur la base d’emprunts au folklore, 3- catholicisation du mythe ( je n’aime pas dire christianisation dans ce cas de figure), 4– refonte des points 2 et 3 .


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