Dans son Parzival, Wolfram von Eschenbach fait de nombreuses références aux connaissances astrologiques, allant même jusqu’à dire que l’histoire du Graal a été lue dans les étoiles par l’arabe Flégétanis [1].
Un astre qui revêt une importance toute particulière dans ce récit, c’est Saturne. En effet, la blessure d’Amfortas, le roi pécheur, est liée à Saturne. Ainsi, la force qui tue l’homme supérieur est la force de Saturne incarnée dans la lance. Les caractéristiques de la lance nous le rappellent : blanche et froide comme le givre, et Wolfram explique clairement que la blessure "sent les fluctuations de cet astre néfaste" et que lorsqu’il est à son zénith, la douleur devient si forte qu’il faut replonger la lance dans la plaie pour l’apaiser.
Après tout ce que nous avons vu sur les aspects microcosmiques du conte du Graal, cela n’est pas très surprenant. En effet, Saturne est traditionnellement le maître de la matière et la cause de tous les processus de cristallisation. En tant que tel, il est du point de vue négatif, la force d’obstruction, de durcissement et de corruption. Du point de ue positif, il est la force formatrice du squelette, qui structure l’homme.
Il est donc fortement lié à l’emprisonnement et à la déchéance du microcosme. Mais ce qui est plus étonnant ; c’est qu’à partir de sa visite au château du Graal, Parzival semble être accompagné par la force de Saturne, qui le guide d’aventure en aventure [2]. Ainsi, lorsqu’il quitte le château du Graal, Parzival s’arrête à l’ermitage désert de Trévizent et s’empare d’une lance multicolore, référence à Saturne : [3]. "Je la pris seigneur, et depuis lors j’ai, grâce à elle, acquis beaucoup de gloire" avouera Parzival. [4]
On peut également attribuer à Saturne les scènes de neige : la vision de trois gouttes de sang sur la neige et finalement, quatre ans et demi et trois jours plus tard, l’arrivée chez l’ermite Trévizent, le lendemain du vendredi saint (donc samedi, jour de saturne), sous la neige.
Toutes ces tribulations ont été faites sous le joug de Saturne, car Saturne a aussi pour tâche de manifester tout ce que nous créons : c’est le « Révélateur ». C’est pourquoi on le représente comme « l’homme à la faux et au sablier », comme le hiérophante de la mort. En effet, c’est lui qui, au moment psychologique, révèle au grand jour toutes les valeurs de l’homme naturel, tout ce qu’entraîne l’instinct du moi, tout ce qui nourrit la vie inférieure. Saturne est le Temps - Chronos - qui dit de façon impérative : " ici, maintenant, et pas plus tard. "
Mais Saturne peut aussi être l’Initiateur !
Celui qui suit le chemin du véritable renouvellement et se remet en accord avec la grande Loi Universelle de la Vie, découvre, à la fin, que Saturne est le révélateur de tout ce qui devient nouveau en lui : les valeurs impérissables ancrées au plus profond de l’Ame. Saturne, l’envoyé de la mort de la nature corruptible, devient donc le Héraut de la résurrection de l’homme incorruptible.
JOHFRA : La porte de Saturne
[1] Nom que l’on peut traduire justement par astrologue
[2] La ténacité, qui est d’ailleurs une des caractéristique première de Parzival, était au moyen-âge une qualité octroyée par Saturne
[3] Dans l’alchimie du Moyen-âge, on appelait Saturne le multicolore, à l’esprit doux et froid comme la glace
[4] Parzival, livre IX