On a beaucoup écrit sur l’aspect éducatif du Roman du Graal de Chrétien de Troyes. Sous la plume des érudits, le roman passe du stade de divertissement mondain à celui de roman d’éducation (destiné au Dauphin alors sous la tutelle de Philippe de Flandres par exemple) puis au stade de roman d’initiation.
Mais pourquoi un roman, même d’initiation, exercerait-il autant d’attrait, au point de susciter pendant 800 ans des adaptations et des continuations ?
Tout simplement parce que ce n’est pas de l’initiation de Perceval dont il s’agit, mais de l’initiation de toute personne qui lit ce texte. Ce n’est pas un récit initiatique, mais un manuel d’initiation destiné à tout chercheur de vérité suivant un certain chemin de transformation intérieure. Ce chemin initiatique est celui des gnostiques de touts les temps, et c’est pourquoi on a lié avec autant de facilité, et ce en dépit de l’absence totale d’éléments tangibles, les Cathares ou la Rose-Croix avec le Graal.
Qui est touché par ce livre ? Quiconque est fils de la veuve dame, dans la gaste forêt soutaine, à l’époque ou la nature s’épanouit.C’est a dire celui pour qui le monde débordant de vie et d’expériences (la forêt) est devenu un désert. Mais dans ce désert, il se sait fils d’Isis, issu de la patrie originelle. Il ne tarde pas à découvrir qu’il existe une haute vocation de l’homme : Perceval rencontre les chevaliers, beaux comme des anges qui lui apparaissent dans une révélation qui n’est pas sans rappeler la vision de l’apocalypse ( lumière, grand bruit, couleurs, puis enfin la vision de l’homme parfait).
Que doit-il faire alors ? aller là où l’on fait les chevaliers, à la cour du Roi Arthur, dans la forge alchimique où une communauté d’âmes chercheuses s’est rassemblée pour mener à bien cette quête.
Chaque scène décrit ainsi ce que le candidat doit accomplir ou les fautes classiques qu’il ne manquera pas de commettre et qu’il faudra réparer (comme par exemple dans le cas de l’orgueilleux de la lande).
Enfin, et c’est là le point principal,le livre donne le secret de l’initiation gnostique : l’existence de deux ordres de nature, les deux âmes, les deux personnes dans le microcosme. A un moment donné, l’âme nouvelle naît, le candidat la reconnaît : Perceval reconnaît Gauvain, Jean reconnaît et baptise Jésus. Puis Jean / Perceval /"le moi" passe en retrait et Jesus / Gauvain /"l’âme nouvelle" commence son travail dans le microcosme. Suit alors une description du parcours de la lumière dans le corps humain, des transformations qui en découlent et des signes qui permettent au candidat de comprendre et de réagir de la juste manière.