Dans cet ouvrage de vulgarisation, Jean MARKALE brosse un panorama des différents textes et continuations. Il présente ensuite son interprétation, fondée sur l’hypothèse d’une origine celte du mythe du Graal.
Un bon point de départ.
p. 39 - 40 (Le Graal de chrétien de Troyes)
Les trois gouttes de sang sur la neige
Il s’agit d’une image antérieure au XIème siècle et présente dans de nombreux récits gallois (à commencer par Peredur). Chrétien de Troyes à tronqué l’image en retirant la couleur noire. L’image originelle est celle de Wolfram : Un corbeau qui vient picorer un tache de sang sur la neige. Image qui rappelle les 3 couleurs de l’alchimie.
Rq : Markale est le seul à soutenir que Peredur soit antérieur à Chrétien de Troyes.
p. 51 (Le Graal de chrétien de Troyes)
Concernant les aventures de Gauvain
« Il est évident que tout cet épisode se réfère à la notion celtique de l’Autre Monde. Le château magique de la reine aux blanches tresses est un de ces domaines féeriques, régi par des femmes, qui abondent dans l’épopée des anciens Celtes. La présence du nautonnier, qui est le passeur des âmes, ainsi que la traversée du "gué périlleux", sont des signes qui ne trompent pas. »
Note p. 58
Concernant l’art des troubadours,
d’après l’ouvrage de Roger Dragonnetti : "le gai savoir dans la rhétorique courtoise -1982
« le trobar leu, c’est à dire l’art ouvert, l’expression non hermétique, est parfois plus chargé de sous-entendus et d’hermétisme que le trobar clus, art hermétique avoué des troubadours. Il met aussi en évidence l’importance des manques dans certaines œuvres et considère que les récits lacunaires sont construits aussi dans un but précis. »
p. 58-59
concernant l’interruption du roman du Graal de chrétien de Troyes
« On a cru que cette interruption était due à la mort du poète, ce qui semble d’ailleurs parfaitement plausible. On en est moins sûr maintenant, surtout après certains travaux qui ont étés faits sur la littérature de cette période. Il est en effet permis de douter de certains détails contenus dans l’œuvre de Chrétien de Troyes comme dans les œuvres de ses contemporains. La technique du "gai savoir" était alors parfaitement au point, et trouvères et troubadours savent parfaitement jongler avec les mots, mener leurs lecteurs ou auditeurs sur de fausses pistes, inventer des références qui n’existent pas. Ainsi au début de Perceval, Chrétien nous dit qu’il écrit son poème sur une commande de Philippe d’Alsace, comte de Flandres, qui lui aurait d’ailleurs donné un livre contenant le sujet. Or on est à peu près sûr qu’il s’agit d’une supercherie, tout cela n’étant qu’un jeu de mots entre conte du Graal et comte de Flandres, ce qui laisserait supposer que Chrétien a eu sous les yeux un modèle issu de Flandre. (...) De toute façon, cet inachèvement du roman est la cause indiscutable du développement de la légende. Si vraiment Chrétien a interrompu volontairement son récit, il a réussi à faire du Graal un sujet universel et de toutes les époques. Car il fallait savoir la suite. Il fallait une fin car les éléments mis en jeu par Chrétien étaient trop énigmatiques, trop peu expliqués, trop provocateurs. »
p. 153 (le Graal franco-britannique : perlesvaux)
concernant l’attitude des clunisiens, auteurs de perlesvaux
« Est-ce à dire que les moines de Cluny, dont l’influence est visible sur l’auteur, prônaient la violence ? Certes, les Clunisiens ont été les promoteurs de la croisade, et celle-ci s’est faite dans un bain de sang, mais il faut bien dire que l’attitude de l’église a toujours été très claire : au rejet de la sexualité et à sa culpabilisation forcenée a toujours correspondu une acceptation, pour ne pas dire une bénédiction, de la guerre et de ses conséquences.(...) Au fond, la chevalerie, qu’on nous présente naïvement comme un idéal et même comme un mysticisme, n’était que la récupération par l’église et par le pouvoir des instincts les plus sanguinaires des individus et leur utilisation à des fins bien plus temporelles que spirituelles.(...) L’esprit qui anime le récit de Perlesvaux est nettement "faites la guerre, pas l’amour". »
p. 158 (le Graal franco-britannique : perlesvaux)
Concernant les 5 formes du Graal
Arthur est accueilli au château du Graal par Perlesvaux. Au cours d’une messe, le Graal apparaît en cinq formes différentes que l’on ne doit pas dire, car il ne faut pas "dire les choses secrètes des sacrements"
Voir également F. FAVRE dans "Mani, Christ d’orient, Bouddha d’occident" p. 243 les diverses significations de nom MANI : MANI = GRAAL
Perle précieuse, gemme en Sanscrit
Vase en Syriaque
Vêtement en Syriaque
Penseur en Sanscrit
Celui qui dispense la manne Grec / Latin
Fou, maniaque, fanatique Grec
p. 201 (le Graal Cistercien)
Note historique sur le dogme catholique
« Le Christianisme aux environs de l’an 1200 est en pleine évolution.(...) L’abbaye de Cîteaux va entreprendre sa mission et essaimer un peu partout ses idées. De plus, les théologiens sont en pleine activité. On veut mettre de l’ordre dans le dogme et dans le rituel. La question controversée de la présence réelle de Jésus Christ sous les espèces du pain et du vin dans le sacrifice de la messe, trouve son épilogue en 1215 au concile de Latran : le dogme de la transsubstantiation y sera proclamé avec éclat. Désormais, le pain que consacre le prêtre sera le corps de Jésus, et le vin contenu dans le calice sera le précieux sang de Jésus. »
p. 262-263 (le Graal Germano-iranien)
L’influence Iranienne chez Wolfram Von Eschenbach
« En somme pour Wolfram, le schéma primitif de la quête et surtout les grands secrets du Graal ont une origine précise : ils proviennent d’orient par l’intermédiaire d’un manuscrit arabe. C’est tout à fait contradictoire avec la source constituée par le Perceval de Chrétien de Troyes qui découle, quand à lui, d’un incontestable archétype celtique. On pourrait même croire que c’est une supercherie de Wolfram, sacrifiant ainsi à la mode du temps, en Allemagne, qui était déjà à un orientalisme fumeux. Il n’en est rien : de nombreux détails repérés dans le récit de Parzival nous prouvent au contraire une indubitable influence iranienne sur la quête. »
p. 267 (le Graal Germano-iranien)
L’influence Manichéenne chez Wolfram Von Eschenbach
« Mais de plus, le graal-pierre de Wolfram ressemble beaucoup au joyau manichéen, ce padma mani bouddhique, joyau qui se trouve dans le cœur du lotus et qui est le symbole de la libération. »
p. 268-270 (le Graal Germano-iranien)
Manichéisme et Catharisme dans Parzifal
« C’est la seule version de la quête qui soit marquée par le manichéisme. C’est la seule version de la quête que l’on puisse comparer - avec beaucoup de prudence - aux croyances et aux conceptions cathares.
Il y a s’abord l’obsession de la pureté, commune au Parzifal et au catharisme. (...)
Il y a encore la question que doit poser Parzifal pour guérir le roi pêcheur. Il ne doit pas, comme dans les autres versions, s’enquérir des mystères du Graal, mais simplement demander : "Roi, de quoi souffres-tu ? " C’est l’idéal de la compassion.
Chez Wolfram, les préoccupations mystiques ou rituelles cèdent la place à une spéculation de type alchimique visant à dégager l’essence divine qui dort au cœur de la matière. C’est du pur Catharisme. »
p. 358 (l’objet de la quête)
Aspect symbolique de la quête
« La tête coupée dans un plateau telle que la voit Peredur n’est sûrement pas une invention gratuite du conteur Gallois. Pour lui, le Graal était loin de ressembler à une coupe contenant on ne sait quoi. Il trouvait son argumentation et ses images symboliques dans la tradition mythologique des celtes et les utilisait. Les auteurs des autres versions de la quête ont utilisé, eux aussi, une symbolique appartenant au monde chrétien où ils vivaient. »
p. 358 (l’objet de la quête)
La quête intérieure « La vérité du Graal, le héros la porte déjà en lui, et la question n’est là que pour permettre à cette vérité de surgir en pleine conscience. »
p. 358 (l’objet de la quête)
Aspect psychanalytique
« Sur un plan psychanalytique, le héros est aux prises avec tous les fantasmes qui passent la frontière, c’est à dire qui jaillissent de l’inconscient et se révèlent au niveau de la conscience claire. (...) C’est pourquoi le héros de la quête est amené à s’opposer à des lions, des bêtes féroces ou à des dragons. Pénétrer dans l’inconnu est une chose, s’y sentir à l’aise est fort différent. La catharsis consiste à accepter les fantasmes que nous recelons dans notre inconscient après les avoir fait surgir. (...) Voilà pourquoi, dans le récit de la quête, il y a, de temps à autre, des ermites ou des femmes mystérieuses qui guident le héros et l’aident à vaincre les terreurs nées de ce surgissement de fantasmes. »
p. 437 - 450 (le sens de la quête)
La quête de l’Esprit
« Ainsi le thème du sang est-il plus symbolique que réel.(...) Dans certaines traditions, en particulier chez les juifs, le sang est le véhicule de l’âme. (...) Le fait que la tête coupée que voit Peredur baigne dans du sang et le fait que, dans la quête cistercienne, le Graal contienne le sang du Christ nous montrent que cette croyance du sang véhicule de l’Esprit était partagée par les auteurs des récits graaliens. Et tout cela n’est au fond qu’un moyen pour accentuer l’aspect spirituel de la quête du Graal. Ce n’est pas un objet que l’on recherche, mais ce que contient cet objet. Et cela ne peut être que l’Esprit. »
p. 439
« Il est certain que toutes les versions de la quête sont des récits initiatiques. »
p. 451
« Donc il s’agit, dans le cadre de la quête, de retrouver et d’incarner cet Être primordial au terme d’une longue expérience personnelle. »
p. 439 - 442 (le sens de la quête)
La nature du héros du Graal
« Le héros du Graal ne peut-être qu’un homme comme tout le monde. Et c’est par sa démarche personnelle qu’il va se mettre au dessus des autres. Mais rien ne s’oppose à ce que les autres n’accomplissent pas la même quête, puisque le héros n’est qu’une figure idéalisée, un exemple significatif sous les traits duquel chacun de nous peut facilement se reconnaître. »
p. 442
« Les héros de la quête n’ont pas droit au Graal sur leur bonne mine. Ils doivent faire la preuve de leur activité. »
p. 440 (le sens de la quête)
des récits hermétiques
« La plupart des romans arthuriens sont à clefs parce qu’ils sont les manifestations actualisées de thèmes mythologiques anciens qu’il était impossible de révéler ouvertement sans être considéré comme hérétique ou apostat. »